vendredi 31 juillet 2015

Le mystère Froome : l'invraisemblable saga de la Bilharziose (3/5)

Le parasite Schistosoma haematobium aussi appelé "Bilharziose" - Crédit : CC CDC/Dr. Edwin P. Ewing, Jr
[DOSSIER] Fin 2009, Froome est engagé chez Sky. Un an plus tard, on diagnostique la présence d’un parasite tropical dans son corps : la Bilharziose. Le Britannique explique que son avènement sportif fin 2011 est dû à la guérison de cette maladie. Problème, beaucoup d’éléments avancés par Froome ne tiennent pas la route. [Mise à jour le 03/08/2015]

Lire la première partie : « La Guerre des watts »
Lire la deuxième partie : « Froome ne vient pas de nulle part »

Dans la deuxième partie de notre dossier qui racontait la vie de Froome jusqu’à ses 24 ans (1985-2009), nous nous étions arrêté alors que Froome se destinait à faire une carrière de grand équipier avec en point d’orgue, une 32e place sur le Giro. Logiquement, son directeur sportif de l’époque, Claudio Corti, n’envisage pas, avec de tels résultats, d’en faire un leader.

Une équipe naissante est néanmoins intéressée par le profil de « domestique » (ndlr : le nom des équipiers outre-Manche) de ce sujet de Sa Majesté. Ce team, britannique, n’est autre que le team Sky. Son manager, Dave Brailsford, n'offre à Froome qu’un petit contrat d’équipier : 100 000 livres par an, l’équivalent de 116 000 euros (cf. grille des salaires). Mais Brailsford a été longtemps le patron du cyclisme olympique britannique et il s’y est construit une réputation de serial winner : 7 médailles d’or sur piste aux Jeux Olympiques de Pékin et 1 en contre-la-montre dames. Froome signe.

En 2010, Froome vit une année sans


Sa première saison chez Sky, en 2010, se révèle catastrophique. Lui qui avait fait deux top 50 sur les classiques ardennaises, le voilà qui enchaîne les mauvais résultats :
  • 71e du Tour de Catalogne (pour grimpeurs)
  • 116e de la Flèche Wallonne
  • 135e de Liège-Bastogne-Liège
  • Abandon au Tour de Romandie
  • Disqualification au Giro pour s’être fait tirer par une moto.
Retourné au Kenya à la fin de la saison, Froome réalise des tests sanguins à Nairobi dans le cadre du passeport biologique. Régulièrement malade toute la saison et sachant que son frère est atteint d'un virus tropical, le Britannique demande au passage s’il n’y aurait pas une anomalie dans ses analyses. Bonne pioche. Comme son frère Jeremy, Chris abrite un virus parasitaire très commun au Kenya : la Bilharziose. D’après ce qu’affirme le Britannique, son niveau d’anticorps étant très élevé, le parasite serait là depuis un à deux ans dans son organisme. Cette maladie peut entre autres provoquer de la fièvre, du sang dans les urines et les selles et, si elle n'est pas traitée, causer la mort.

La Bilharziose ne l’a pourtant pas empêché, un mois plus tôt (en septembre), de réaliser sa seule grande performance de l’année au championnat de Grande-Bretagne du contre-la-montre où il termine entre deux champions olympiques sur piste de 2008 : Bradley Wiggins qui l’emporte, et Geraint Thomas - l’un des lieutenants de Froome justement sur le Tour 2015 - qui finit 3e.

Chris Froome lors du Tour Down Under en janvier 2010 - Crédit : Wiki Commons Anthony Cramp

Comme il convient lorsqu’on est touché par cette maladie, Chris Froome reçoit un traitement antiparasitaire au Praziquantel (ou plus communément appelé Biltricide). Le Britannique entame alors sa saison 2011, sans doute rassuré.

La guérison de la Bilharziose n’explique pas l’explosion de Froome en 2011


Froome reprend en février au Tour d’Andalousie. Mais il lui faut attendre le mois d’avril pour signer un premier coup d’éclat : il finit 8e de la très montagneuse 2e étape du Tour de Romandie entre Martigny et Leysin : au programme, deux cols de première catégorie dont une arrivée au sommet. Il termine dans la roue du futur vainqueur du Tour de France, Cadel Evans. Rien que ça. Quatre mois plus tard, en août, il confirme au prestigieux Tour d’Espagne…

Et de quelle manière ! Il termine les dix premiers jours de cette Vuelta sur deux exploits. Lors de la 8e étape qui s’achève au sommet, il finit devant son leader Bradley Wiggins, à quelques mètres du vainqueur du jour, Dan Martin. Le lendemain, il arrache la 2e place du contre-la-montre derrière Tony Martin mais… devant Wiggins et devant le champion du monde de l’exercice, Fabian Cancellara. Deux performances qui le bombardent maillot rouge, c’est-à-dire leader du Tour d’Espagne.

Chris Froome, en position contre-la-montre, lors du Tour de Romandie en 2011 - Crédit : Wiki Commons Rama

Lors de la journée de repos le lendemain – le 30 août 2011 –, les journalistes s’interrogent naturellement sur les performances du Kenyan blanc. Froome se défend auprès de l’agence de presse britannique Reuters en expliquant qu’il commence seulement à se remettre de la Bilharziose, une maladie qui, selon lui, « se nourrit de vos globules rouges, ce qui n’est bien sûr pas idéal pour un athlète. (…) Mais j’ai suivi un traitement après le Tour de Suisse en juin. Je pense que ma condition actuelle montre que j’ai finalement pris le dessus sur la maladie. »

Le parasite de la Bilharziose ne « mange » pas les « globules rouges »


Un deuxième traitement donc qui fait suite à un nouveau test dans un laboratoire à Nice ou à Monaco en mai, un test révélant que la Bilharziose serait toujours bien présente dans le corps de Froome.

Des assertions tout sauf plausibles pour le docteur Annick Datry, joint par Saut de Chaîne. Maître de conférence des universités et médecin-praticien à l’Hôpital La Pitié-Salpêtrière (Paris) en parasitologie-mycologie, le docteur Datry affirme sans fioritures :
« Les parasites de la Bilharziose ne mangent pas les globules rouges », c’est aussi simple que ça.
Evidemment, la disparition de globules rouges, vecteurs de l’oxygène vers les tissus musculaires, serait une très bonne explication aux performances en berne de Froome en 2010. Dans une interview réalisée en 2014 pour The Independent, le journaliste Paul Kimmage, spécialiste du dopage, revient avec Froome sur sa maladie :
« - Ce parasite (la Bilharziose) attaque vos globules rouges ?
- Oui », répond Froome.
Kimmage ne se démonte pas. Il relate alors que le médecin du team Sky, Richard Freeman, avait effectivement perçu les performances de Froome en 2010 comme un signal d’alarme. Mais en regardant les analyses sanguines, Freeman n’avait pas vu de données incohérentes. Kimmage embraye alors sur les instances internationales : avec les prises de sang régulières du passeport biologique, une chute des globules rouges n’aurait pas pu passer inaperçue dans les analyses de la fédération internationale, l’UCI. Et ce, en 2010 comme en 2011. Réponse de Froome :
« - La logique veut que vos globules rouges soient moins nombreux puisque que votre hématocrite est 'mangé' (sic) par ces parasites. J’imagine que s’il y avait eu des changements par rapport à mon profil normal, ce serait probablement encore présent dans les paramètres donc…
Sa femme Michelle Cound, également interviewée, le coupe :
- Tu n’étais pas à un stade avancé de la Bilharziose.
- J’étais complètement [infesté par les œufs du parasite], réplique Froome.
- Mais tu n’étais pas à un stade avancé, donc le parasite n’avait pas nécessairement mangé tant que ça de tes globules rouges, nuance Michelle Cound. Mais cela affectait bien sûr tes performances.
- Oui, mais je pense qu’aucun d’entre nous ici n’est qualifié pour dire exactement à quel stade la Bilharziose j’en étais. »
Une bien jolie confusion. [AJOUT LE 03/08/2015] D'après Marc Kluszczynski, pharmacien et journaliste tenant la rubrique « Sur le Front du dopage » dans la revue Sport et Vie, le parasite de la Bilharziose a malgré tout un effet sur les globules rouges : « Les œufs de la femelle traversent l'épithélium [le tissu interne] de la vessie et détruisent les tissus, ce qui provoque une hématurie (du sang dans les urines). C'est le principal symptôme de la maladie. Dans les faits, cette hématurie se traduit bien par une destruction de globules rouges puisqu'il y a éjection de sang à chaque cycle parasitaire. » Une destruction minime pour n'importe quel être humain. Mais pour un sportif de très haut niveau, il est probable que cela ait un impact - certes difficilement quantifiable mais tout de même - sur ses performances. [FIN AJOUT]

En outre, il est tout à fait surprenant que le team Sky, réputé si minutieux, voyant son coureur affaibli toute la saison 2010, ne l’ait jamais envoyé réaliser des tests sanguins complets. C’est par lui-même, à l’issue de la saison, que Froome découvre qu’il est malade.

Le parasite de la Bilharziose, Schistosoma Haematobium - Crédit : CC Iqbal Osman

Une chronologie déroutante


En tout, on dénombre donc trois éléments surprenants : si l'impact de la maladie avait été celui décrit par Froome, ses performances en auraient été affectées jusqu'en 2013 (et pas seulement jusqu'à cette Vuelta 2011) ; l’équipe médicale de Sky n’a pas été à la hauteur pour soigner son coureur ; et le traitement n’aurait pas été efficace du premier coup.

Pourtant, « c’est une maladie qui se traite très bien avec du Biltricide, en une prise, s'étonne le docteur Annick Datry. Moi je diagnostique une Bilharziose, je la traite tout de suite. S’il a été traité en 2010, il n’a a priori plus aucun symptôme en 2011. Sauf si c’est une infestation massive, mais à ce moment-là, il ne pouvait pas avoir une carrière de sportif professionnel. Si c’est une infection mineure, c’est fini maximum un mois un plus tard. » Pour résumer, soit Froome était très malade, il n’était pas en mesure de courir et les médecins de Sky auraient agi. Soit il était guéri dès le premier traitement en décembre 2010 (pour être large) et il n'avait plus de symptômes.

En 2012, Froome prétendra pourtant, au milieu du Tour de France, souffrir encore de la Bilharziose, « un genre de parasite qui se glisse sous la peau et vous mange les globules rouges. Le problème, c’est que le parasite reste vivace. On ne guérit jamais ». Avant d’annoncer sa guérison définitive en juillet 2013, à l’issue du Tour de France.

Une chronologie que le docteur Datry juge pour le moins invraisemblable :
« C’est improbable de guérir seulement en 2013 d’une Bilharziose diagnostiquée en 2010. S’il a été traité en 2010, ce qui me semble logique, cela m’étonnerait qu’il ait eu de meilleures performances quatre ans plus tard, en 2013. Ça n’a pas de sens. » Car « une fois qu’on a traité la maladie avec le Biltricide, c’est éradiqué, c’est fini. Le parasite ne reste pas vivace, c’est faux. »
Fin 2012, c'est aussi l'avis du docteur Alan Fenwick, directeur du SCI (Schistosomiasis Control Iniative) de l'Imperial College de Londres, qui a traité Froome. Il affirme alors :
« Je ne peux pas croire que [Froome] soit toujours infecté après quatre traitements, à cet âge-là. Je ne connais pratiquement personne qui ait continué d'avoir des œufs dans ses selles et dans ses urines après trois traitements, sauf si le patient a été réinfecté - or il est difficile d'imaginer qu'un athlète de son rang, ayant connaissance de ce qu'est le schistosomiase [ndlr : autre nom de la Bilharziose], ait pu être réinfecté » (source : Nick Harris pour le Dailymail).
Les médecins en perdent leur latin. Pour celui qui a diagnostiqué la maladie à Froome fin 2010 au Kenya, le docteur Charles Chunge, le Britannique a subi un « nombre inhabituel de traitements ». Mais « il est difficile de déterminer si les doses reçues en 2011 étaient appropriées » (source : Nick Harris pour le Dailymail). Une hypothèse d'un sous-dosage du médicament qui paraît pourtant fragile.

« Cinq traitements en trois ans, c’est impossible » (A. Datry)


Si ce n'est pas le dosage du médicament le problème, ne serait-ce pas son efficacité ? Durant l’interview donnée à Kimmage (le 30 juin 2014), la compagne de Froome, Michelle Cound, est catégorique : « Croire que le Biltricide est efficace à 100% est une idée fausse. Au Royaume-Uni et en Europe, ils croient que c’est efficace à 100% mais ce n'est pas le cas. »

Le docteur Datry ne désarme pas : « Le médicament est efficace. Il se peut qu’il y ait parfois une deuxième prise si le traitement a été lancé trop tôt, avant que le parasite n’atteigne l’âge adulte dans le corps. Mais si le parasite est présent depuis un ou deux ans comme le coureur le prétend, un seul traitement suffit. »

Cas de Bilharziose intense avec grande nombre d'oeufs pondus - Crédit : CC CDC/Dr. Edwin P. Ewing, Jr

Le 28 juin 2014, deux jours avant l’interview de Kimmage, le journaliste du Dailymail, Nick Harris, expliquait lui que si « bien des Occidentaux sont habituellement guéris de la Bilharziose par une seule prise du médicament, Froome aurait finalement eu besoin de cinq traitements sur presque trois ans. » Une longueur des soins qui incombe au team Sky selon Harris : « Les experts disent que son cas est rare et affirment également que cela aurait aidé si [Froome] avait été systématiquement soigné par le même médecin. Au lieu de ça, en raison de l’échec de Sky à coordonner l’approche médicale, [Froome] a visité de nombreuses cliniques dans des endroits différents, reçu différents diagnostics, souvent erronés. »

Mais le docteur Datry n’a jamais entendu parler d’un cas rare de ce type :
« Cinq traitements sur trois ans, c’est impossible. Ce qui est possible en revanche, c’est que la sérologie [les tests] du patient se soit révélée positive. Parce qu’une fois la Bilharziose vaincue, c’est un peu comme la rougeole, l’organisme conserve très longtemps des anticorps adaptés. Or comme c’est la présence d’anticorps qui permet de déterminer dans les tests si le patient a la Bilharziose, ce test peut se révéler positif un ou deux ans plus tard. Mais ça ne signifie pas qu’il a encore la maladie. »
Ce qui arrive à Froome est donc sans précédent. Être guéri, ou sur la voie de la guérison en 2011 - et justifier ainsi sa performance à La Vuelta - pour rechuter et avoir encore des traces de la maladie fin 2012 - après avoir fini 2e du Tour de France en juillet -, ce n'est pas possible. C'est médicalement inexplicable.

Quoi qu’il en soit, Chris Froome termine cette énigmatique Vuelta à la 2e place au général derrière l’Espagnol Juan José Cobo. Mais devant son leader Bradley Wiggins. A la décharge de Froome, le plateau des prétendants à la victoire n’était pas incroyablement relevé :
  • Wiggins (3e) n’était venu en Espagne que parce qu’il avait abandonné au Tour de France ;
  • Mollema (4e) n’était qu’un espoir de 23 ans ;
  • Menchov (5e) avait doublé Tour d’Italie-Tour d’Espagne ;
  • idem pour Nibali (7e) ; etc.

Une foule de questions sans réponse


Froome gagne le Tour 2015 - Crédit : CC Gyrostat
Tout cela laisse perplexe et surgissent de nombreuses interrogations pour le moins gênantes.

1. D'abord, comment se fait-il que Froome, « guéri » de la maladie qui a pourri sa saison 2010 et 2e de la Vuelta 2011, puisse rechuter (juillet 2012) mais continuer à réaliser de grandes performances (2e du Tour de France 2012, vainqueur en 2013) ?

2. Son manager, Dave Brailsford, aurait-il entretenu le flou auprès de son coureur pour lui faire croire que guéri, Froome allait pouvoir donner sa pleine mesure comme lieutenant de Wiggins ? Il s'agirait alors d'une sorte de conditionnement mental dont Brailsford s’est fait une spécialité, se vantant - on le verra dans la suite du dossier - de « lobotomiser » ses coureurs. Ce qui expliquerait le peu de contacts que Froome a eu avec le staff médical de Sky. Mais l’hypothèse paraît tout de même osée.

3. L’explication la plus évidente, celle d’un dopage qui porterait ses fruits au bout de deux ans de présence chez Sky (2010-2011) et qu’on chercherait à camoufler par une maladie/guérison, ne me convainc pas vraiment. Pour deux raisons : premièrement, cela voudrait dire que le médecin londonien affirmant que Froome avait bien des traces du parasite dans ses selles et ses urines fin 2012 ment ; et deuxièmement, cela signifierait que Sky et Froome se sont embêtés à ressortir la Bilharziose comme explication chaque année pendant trois ans. Or si Sky avait vraiment voulu expliquer par la Bilharziose les nouvelles performances de son coureur réalisées en fait grâce au dopage, il leur suffisait de dire une seule fois, au milieu de la Vuelta 2011, que Froome était guéri pour pouvoir justifier toutes ses grandes performances d’après :
  • Une 2e place sur le Tour de France 2012 derrière Wiggins
  • Une première victoire sur le Tour l’année suivante, en 2013
  • Une 2e place sur le Tour d’Espagne derrière Contador en 2014
  • Une deuxième victoire cette année sur le Tour

4. Il ne faut pas oublier que, Froome était considéré, au vu des tests de puissance réalisés en 2007 au Centre mondial du cyclisme, comme une « grosse cylindrée » par son entraîneur de l'époque, Michel Thèze. Si Froome était effectivement toujours malade fin 2012, deux ans après la détection de la Bilharziose, il est plus que probable que la maladie ait eu un impact limité sur lui. Car sinon, comme le dit le docteur Datry, comment aurait-il pu mener une carrière de coureur professionnel, surtout avec de tels résultats (2e place à la Vuelta 2011 et 2e du Tour de France 2012) ?
Mais alors si la maladie a effectivement eu un faible impact, pourquoi l'avoir « utilisée », l’avoir « scénarisée » pour légitimer l’émergence d’un coureur de 26 ans, certes, mais arrivé tard (tout simplement) au cyclisme sur route ? Si c’est un plan de communication du team Sky pour éviter les suspicions de dopage - une autre hypothèse -, pourquoi ne pas avoir retracé le parcours de Froome (comme je l’ai fait) au lieu de se « servir » de la Bilharziose ?

Toutes ces questions se posent avec d'autant plus d'acuité qu'à partir de cette Vuelta 2011, la progression de Froome est cohérente. Frédéric Grappe, docteur en biomécanique et directeur performance de la FDJ, rappelait ceci à 20minutes il y a quelques jours :
« J’avais établi un profil de puissance [de Froome] avec des fichiers de la Vuelta 2011 et du Tour de France 2013. L’équipe Sky m’avait transmis un certain nombre de données à ce moment-là. Sur ces deux années, elles collaient à son profil de puissance. Il n’y avait pas d’anomalie. »
Visiblement moins fort sur ce Tour 2015 qu’en 2013, le Britannique paraît donc moins suspect sur la période 2011-2015 que sur l'année 2011 proprement dite, année du grand « tournant » de sa carrière. Un tournant expliqué et justifié par la guérison d'une maladie, la Bilharziose, dont on sait à présent qu'elle ne peut justement pas expliquer cette éclosion. En effet, si Froome a bien été guéri par le traitement dans le mois qui a suivi le diagnostic (octobre 2010), la Bilharziose n'a eu aucun impact sur sa carrière. Si à l'inverse Froome souffrait encore de la maladie fin 2012 - ce qui semble être le cas -, la maladie ne peut pas avoir été « massive », sinon, d'après le docteur Datry, il n'aurait même pas pu avoir une carrière de sportif professionnel.

Au reste, la question du dopage n'est pas écartée pour autant. D'innombrables suspicions ont émaillé les performances du Britannique. Autant par ignorance du parcours de Froome que par méfiance au vu de sa supériorité en montagne. Ce sera l'objet des deux dernières parties de ce dossier.



2 commentaires:

  1. Salut Roland. Tu sais, moi, le sport, ça m'intéresse déjà moyennement, mais alors le cyclisme, j'en ai vraiment rien à branler (c'est peut-être aussi parce que je suis pas foutu capable de faire plus de 2 km sur une selle). Mais tu comprends, quand j'ai lu le mot "bilharziose", bon, ben j'ai cliqué, quoi. Alors, du coup, j'aurai juste un commentaire : quand tu dis "Ce qui arrive à Froome est donc sans précédent. Être guéri, ou sur la voie de la guérison en 2011 - et justifier ainsi sa performance à La Vuelta - pour rechuter et avoir encore des traces de la maladie fin 2012 - après avoir fini 2e du Tour de France en juillet -, ce n'est pas possible. C'est médicalement inexplicable.", je te trouve un poil dur. Sans avoir aucun intérêt dans cet histoire, ni aucun parti pris (franchement, qu'il soit dopé ou pas, je m'en cogne comme de l'an 1519), je te pose les questions suivantes : pourquoi ne serait-il pas possible, médicalement parlant que 1) il ait été soigné trop tôt la première fois, ce qui explique que sa bilharziose n'ait pas été soignée au bout d'un mois comme il aurait été "normal" que ce soit le cas (selon les médecins que tu cites) ? 2) ses tests ultérieurs soient des faux positifs (liés à la présence d'anticorps ? 3) il ait en fait chopé une souche resistante de Schistosoma haematobium (d'ailleurs, en passant, c'est mon côté nazi de la taxonomie, mais il n'y a jamais de majuscule au nom d'espèce), et puis, qu'un médecin me jette la première pierre (ou la boîte d'antibiotiques, c'est selon), mais les médocs qui ont 100% d'efficacité, ça me semble assez rare sur le marché ? que 4) il ait été massivement infecté, mais compte tenu du fait que c'est une grosse cylindrée physique, il ait été moins diminué physiquement que le pékin moyen ? ou 5) une combinaison des facteurs sus-mentionnés. En fait, mon propos, c'est que comme tu le dis justement, ça paraît débile de masquer un éventuel dopage derrière l'excuse de la bilharziose plusieurs années de suite, donc pour cette raison, il ne faudrait peut-être pas écarter la possibilité qu'il ait été atteint d'une forme persistante, plus résistante, nécessitant plusieurs épisodes de traitement, mais qu'il ait été moins diminué qu'une personne normale dans ces conditions, justement parce que c'est un ovni physique... pas grand-chose à voir, mais souviens-toi de la mononucléose de Roger Federer, probablement contractée en décembre 2007, mais qui ne l'a pas empêché de se qualifier pour les demies-finales de l'Open d'Australie en Janvier 2008... à moins que ça aussi ça soit du vent, mais bon, difficile de le savoir (ta prochaine enquête ?). Enfin mon but n'est pas de foutre en l'air ton propos, hein, tu t'en doutes bien, c'est simplement de te dire que les mots "médicalement inexplicable" me semblent exagérés. Si, évidemment, ce que je viens d'hypothétiser plus haut semble assez peu probable, peu probable ne veut pas dire impossible. Après, effectivement, comme il a l'air assez con pour affirmer que la bilharziose bouffe les globules rouges comme le palu, il se pourrait aussi très bien qu'il soit en fait juste con au point de ressortir cette excuse pendant plusieurs années d'affilée.

    Bon, et sinon, je sais, c'est du pinaillage, mais Nairobi n'est pas à 2000 m, mais à 1660 m. Quand on sait comment l'altitude influence sur les performances physiques des gens (surtout quand les gens en question y passent les 15 premières années de leur vie...), 350 m de différence ça a quand même son importance smile emoticon

    Et enfin, si tu as eu le courage de lire jusqu'ici : merci pour tes articles. J'ai jamais rien lu sur le vélo avant, ça m'a toujours laissé complètement indifférent, mais là, j'ai trouvé ça vraiment intéressant (plus intéressant que le boulot que je suis censé faire au lieu de dire des conneries sur ton mur, en tous cas...) Des bisous !

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    1. Cher ami, déjà merci ! Merci de tant d'attention porté à ce dossier. Voici mes réponses à chacune de tes questions. En espérant être peut-être plus précis que je ne l'ai été dans mon papier :

      1) En admettant qu’il ait été soigné trop tôt, possibilité évoquée par le docteur Datry, il n’aurait eu besoin « que » d’un deuxième traitement, une fois le parasite arrivé à l’âge adulte. Mais d’une, la probabilité est faible parce que lorsque le test s’avère positif en octobre 2010, les médecins disent que la maladie est avancée, que le parasite est là depuis « un ou deux ans ». Or pour que le traitement survienne « trop tôt », il faudrait qu’il soit lancé dans les premières semaines après contamination, pas un ou deux ans après. De deux, ce n’est pas deux traitements qu’il a eus mais cinq ! Ça c’est bien du jamais vu. Le docteur Datry est formel.

      2) C’est ce que j’ai d’abord cru lors de ma première version de l’article publiée vendredi soir. Mais le soir-même, je me rendais compte de mon « erreur ». Car d’une, les tests qui sont effectués fin 2012 s’avèrent négatifs (bon c’est une bourde médicale). Et de deux, il y a encore des œufs du parasite dans ses selles ! C’est le docteur Alan Fenwick, qui a examiné Froome, qui le raconte sans parvenir à comprendre…(et que je cite dans l’article). C’est ce qui rend les choses inexplicables. Lui-même, spécialiste des maladies tropicales à Londres, comme le docteur Datry, spécialiste à Paris, n’ont jamais entendu parler d’un cas pareil.

      3) Une souche résistante, ces médecins en auraient tout de même entendu parler. Il faudrait un sacré coup de malchance pour que Chris Froome soit le premier cas de Bilharziose unique, ultra résistant. Il y a des cas de résistance de la maladie chez les personnes d’un autre âge. C’est ce que dit le docteur Alan Fenwick (sans qu’on sache s’il parle des jeunes ou des personnages âgées). Mais un athlète de son niveau physique, c’est sans précédent.

      4) Effectivement ! Le plus probable, c’est que Froome ait bien été malade trois ans (ou alors il faut assumer de penser que le docteur Fenwick ment, ce qui est envisageable mais bon). Le problème, c’est qu’il y a deux possibilités :
      - soit il est massivement infecté et il ne peut avoir la carrière de sportif pro qu’il mène (c’est ce que dit le docteur Datry) car les effets seraient trop violents. Même avec toute sa volonté, il n’aurait pas pu, durant sa maladie de trois ans (octobre 2010 – juillet 2013) réussir à faire 2e du Tour d’Espagne (2011) puis du Tour de France (2012).
      - soit il est faiblement infecté, et à ce moment-là, c’est gênant mais ça n’est pas grave. Et là, cela devient un récit mythologique pour justifier l’éclosion (la raison de ce récit mythologique, je le dis en fin de papier, reste inconnue).

      Plus généralement, si la maladie a un impact sur le sang (sang dans les urines), elle ne « mange » pas les globules rouges comme Froome le prétend. Qui lui a dit ça ? ou dit de dire ça ? et pourquoi sinon pour justifier ses performances moindres avant 2011 à cause d’un transport d’oxygène, assumé par les globules rouges, altéré ?

      La mononucléose de Federer, je ne peux pas en parler sans preuve. Mais disons que c’est sujet à caution émoticône grin

      Enfin, je te remercie pour tout. Je vérifie et corrige immédiatement pour Nairobi (j’ai repris l’info sans croiser mes sources). Merci pour ton commentaire. Je te demanderais presque de le poster sur mon blog. Comme ça je posterais ma réponse qui « précise » certaines choses. Bien à toi cher ami.

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