lundi 29 juin 2015

Ch. de France : Tronet avait plus de jus

Steven Tronet, champion de France (Photo : Ouest-France)
[ANALYSE] A cinq jours du Tour de France, les championnats de France à Chantonnay ont donné lieu ce dimanche à une bagarre folle entre les meilleurs coureurs français. Mais c’est un quasi-inconnu, Steven Tronet, électricien, qui l’a emporté… sans que ce soit complètement une surprise.

A grande surprise, il faut une grande explication. Lorsqu’un anonyme, Steven Tronet devient champion de France, on s’émerveille d’abord de manière ingénue, moi le premier. On est enchantés du triomphe du « petit », de celui « qu’on n’attendait pas ». Après quoi, on veut comprendre et on convoque les exégètes du cyclisme pour cela.

S’il y a eu sprint, pourquoi les plus rapides n’ont-ils pas gagné ?
  • Parce que Démare (50e) s’était épuisé dans une poursuite des échappés aussi suicidaire que vaine ?
  • Parce que Coquard (53e) avait disparu dans les bosses ?
  •  Parce qu’Alaphilippe (5e) était bien là mais qu’il avait dû éviter la chute de Nacer Bouhanni ?
  •  Parce que donc Nacer Bouhanni (43e), grand favori, avait chuté sur une « vague » d’Anthony Roux (un changement de ligne brutal et dangereux) ?

Oui… et puis en fait non.

Un premier indice m’a mis sur une autre piste. La réaction du principal intéressé sur Eurosport.fr lorsqu’on lui demande s’il est surpris, lui, d’avoir mordu la ligne le premier : « Au risque de vous étonner, non. Ce maillot m'obsédait depuis deux semaines. Ma victoire d'étape dans la Route du Sud il y a une semaine m'a donné une confiance de dingue. »

« Ce maillot m'obsédait depuis deux semaines »


Steven Tronet devance Anthony Roux, déclassé par la suite (Photo : Mathilde Lazou)

Effectivement, le malappris de l’équipe continental non pro, Auber 93 (3e division mondiale), avait déjà fait la nique avec insolence aux meilleurs lors de la première étape de la Route du sud la semaine passée à Auch. Vous me direz, ce n’est pas une « explication » en soi et vous avez raison. Ce n’est pas parce qu’on gagne une étape d’une course de second plan qu’on va devenir le nouveau Coq du vélo tricolore.

Alors ?

Alors il n’y avait pas d’oreillettes hier. J’entends déjà les chevaliers blancs des oreillettes se révulser en lisant cela, se rangeant à l’avis de la majorité béate du peloton et hostile à ce qu’on lui ôte ce petit appendice qui fait le bonheur des directeurs d’équipe. On a avancé tous les arguments possibles pour qu’ils puissent continuer d’entendre les consignes dans l’oreille, les écarts avec les échappés, ce qu’ils devaient faire et où ils devaient faire pipi. On a parlé de « sécurité », comme si les motos de l’organisation ne pouvaient pas transmettre d’informations aux coureurs ; et de « tactique de course », comme si un capitaine d’équipe ne pouvait pas adapter la stratégie aux événements.

Un parcours pour que ça pète de partout


Voués aux gémonies, les détracteurs de cet appareil qui semble pourtant tuer toute velléité chez la plupart des coureurs ont gagné quelque part. Depuis 2009, il n’y plus d’oreillettes aux championnats de France. Ça n’a pas toujours donné un spectacle remarquable, triompheront déjà les défenseurs de la « technologie ». Oui mais là, le profil vallonné de cette édition de 247 km était propice au combat et au panache. Résultat, on a d’abord bien cru que les échappés iraient au bout (ils étaient huit dans les derniers kilomètres avec de grands noms comme Riblon, Bardet, Voeckler, Barguil ou Coppel).



Le Team Cofidis a lancé la poursuite pour Nacer Bouhanni, favori d’une arrivée au sprint. Problème, sur un circuit vallonné comme celui de Chantonnay, mener le train n’a rien d’évident. Résultat, Geoffrey Soupe, habituellement poisson-pilote de Bouhanni, s’est épuisé pour mener la chasse. Et quand le sprinteur français s’est retrouvé dans la dernière ligne droite, il ne lui restait plus qu’un seul équipier, Julien Simon… Incapable de rivaliser dans un sprint final, Gallopin a alors attaqué à 600 mètres de l’arrivée et Bouhanni n’avait plus personne pour le protéger…

Tronet, le meilleur du jour


La chute du sprinteur français est un drame, notamment en vu du Tour de France où sa participation est incertaine, mais elle résulte d’une course où rien ne s’est passé comme prévu et où seulement une douzaine de coureurs a pu se disputer la victoire finale.

Dans ce genre de moments, les esprits se crispent car le danger peut venir de partout (ici de Gallopin). L’embardée d’Anthony Roux dans la foulée d’un sprint lancé très tôt témoigne de cette tension… et de cette glorieuse incertitude qui fait le bonheur des suppôts du vélo.


En forme, en confiance, encore là dans le final, bien placé et donc évitant la chute, le coureur d’Auber 93 ne ressemble pas un chanceux mais bien au meilleur coureur hier. Tony Gallopin (2e) a lui-même reconnu que Tronet « était très fort ». Car Tronet fut le seul à suivre l’attaque précoce de Gallopin et… à tenir son effort jusqu’au bout. Tronet était tout simplement LE plus fort hier. Et pour une fois, Thierry Adam l’avait vu avant tout le monde. Grâce lui soit rendue.

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