Steven Tronet, champion de France (Photo : Ouest-France) |
[ANALYSE] A cinq jours du Tour de France, les championnats de France à
Chantonnay ont donné lieu ce dimanche à une bagarre folle entre les meilleurs
coureurs français. Mais c’est un quasi-inconnu, Steven Tronet, électricien, qui
l’a emporté… sans que ce soit complètement une surprise.
S’il y a eu sprint, pourquoi les plus rapides n’ont-ils pas
gagné ?
- Parce que Démare (50e) s’était épuisé dans une poursuite des échappés aussi suicidaire que vaine ?
- Parce que Coquard (53e) avait disparu dans les bosses ?
- Parce qu’Alaphilippe (5e) était bien là mais qu’il avait dû éviter la chute de Nacer Bouhanni ?
- Parce que donc Nacer Bouhanni (43e), grand favori, avait chuté sur une « vague » d’Anthony Roux (un changement de ligne brutal et dangereux) ?
Oui… et puis en fait non.
Un premier indice m’a mis sur une autre piste. La réaction
du principal intéressé sur Eurosport.fr
lorsqu’on lui demande s’il est surpris, lui, d’avoir mordu la ligne le premier :
« Au risque de vous étonner, non. Ce maillot m'obsédait depuis
deux semaines. Ma victoire d'étape dans la Route du Sud il y a une semaine m'a
donné une confiance de dingue. »
« Ce maillot m'obsédait depuis deux semaines »
Steven Tronet devance Anthony Roux, déclassé par la suite (Photo : Mathilde Lazou) |
Effectivement, le malappris de l’équipe continental non pro, Auber 93 (3e
division mondiale), avait déjà fait la nique avec insolence aux meilleurs
lors de la première étape de la Route du sud la semaine passée à
Auch. Vous me direz, ce n’est pas une « explication » en soi et
vous avez raison. Ce n’est pas parce qu’on gagne une étape d’une course de
second plan qu’on va devenir le nouveau Coq du vélo tricolore.
Alors ?
Alors il n’y avait pas d’oreillettes hier. J’entends déjà
les chevaliers blancs des oreillettes se révulser en lisant cela, se rangeant à
l’avis de la majorité béate du peloton et hostile à ce qu’on lui ôte ce petit
appendice qui fait le bonheur des directeurs d’équipe. On
a avancé tous les arguments possibles pour qu’ils puissent continuer d’entendre
les consignes dans l’oreille, les écarts avec les échappés, ce qu’ils devaient
faire et où ils devaient faire pipi. On a parlé de « sécurité », comme
si les motos de l’organisation ne pouvaient pas transmettre d’informations aux
coureurs ; et de « tactique de course », comme si un capitaine d’équipe
ne pouvait pas adapter la stratégie aux événements.
Un parcours pour que ça pète de partout
Voués aux gémonies, les détracteurs de cet appareil qui
semble pourtant tuer toute velléité chez la plupart des coureurs ont gagné
quelque part. Depuis
2009, il n’y plus d’oreillettes aux championnats de France. Ça n’a pas
toujours donné un spectacle remarquable, triompheront déjà les défenseurs de la
« technologie ». Oui mais là, le profil vallonné de cette édition de
247 km était propice au combat et au panache. Résultat, on a d’abord bien cru
que les échappés iraient au bout (ils étaient huit dans les derniers kilomètres
avec de grands noms comme Riblon, Bardet, Voeckler, Barguil ou Coppel).
Le Team Cofidis a lancé la poursuite pour Nacer Bouhanni,
favori d’une arrivée au sprint. Problème, sur un circuit vallonné comme celui
de Chantonnay, mener le train n’a rien d’évident. Résultat, Geoffrey
Soupe, habituellement poisson-pilote de Bouhanni, s’est épuisé pour mener la
chasse. Et quand le sprinteur français s’est retrouvé dans la dernière ligne
droite, il ne lui restait plus qu’un seul équipier, Julien Simon… Incapable de
rivaliser dans un sprint final, Gallopin a alors attaqué à 600 mètres de l’arrivée
et Bouhanni n’avait plus personne pour le protéger…
Tronet, le meilleur du jour
La chute du sprinteur français est un drame, notamment en vu
du Tour de France où sa participation est incertaine, mais elle résulte d’une
course où rien ne s’est passé comme prévu et où seulement une douzaine de
coureurs a pu se disputer la victoire finale.
Dans ce genre de moments, les esprits se crispent car le
danger peut venir de partout (ici de Gallopin). L’embardée d’Anthony Roux dans
la foulée d’un sprint lancé très tôt témoigne de cette tension… et de cette
glorieuse incertitude qui fait le bonheur des suppôts du vélo.
En forme, en confiance, encore là dans le final, bien placé
et donc évitant la chute, le coureur d’Auber 93 ne ressemble pas un chanceux
mais bien au meilleur coureur hier. Tony
Gallopin (2e) a lui-même reconnu que Tronet « était très fort ». Car Tronet
fut le seul à suivre l’attaque précoce de Gallopin et… à tenir son effort jusqu’au
bout. Tronet était tout simplement LE plus fort hier. Et pour une fois, Thierry
Adam l’avait vu avant tout le monde. Grâce lui soit rendue.
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