Crédit : CC Guy Mayer |
[PEDAGOGIE] Je m'épile, je porte des fringues moulantes, je sais pisser en faisant autre chose, je bois huit litres de flotte par jour et je pense aux petites culottes de mes fans. Je suis un cycliste.
Je ne vous parlerai pas davantage de Ruben Plaza, vainqueur
hier à Gap après une attaque en costaud dans le Col de Manse. Là, c’est surtout
parce que l’odeur autour de cet Espagnol n’est pas des plus saines. Son
nom a circulé dans l’opération Puerto mais
la justice espagnole l’a blanchi de manière, étrange dirons-nous.
Bref, la vie du peloton impose certaines contraintes.
Revenons-y.
Les gars on s'arrête ? Faut que j’aille au petit coin !
Excellente question. Quand on reste cinq-six heures sur un
vélo, que des dizaines de caméras filment sur les motos et dans les hélicoptères,
qu’il y a des milliers de gens sur le bord des routes, satisfaire ce besoin
naturel n’a rien d’évident.
Là, il faut distinguer le peloton des échappés. Dans le
peloton, c’est en général le maillot jaune qui dicte le tempo. Le leader
choisit un lieu assez isolé pour s’arrêter. Toute son équipe s’arrête avec lui.
A ce moment-là, une trêve tacite est déclarée : tous ceux qui ont besoin
peuvent faire pipi peinard sur le bord de la route. Néanmoins, certaines
« trahisons » ont marqué l’histoire du Tour.
Les coureurs s'arrêtent de part et d'autre durant la 4e étape - Crédit : Eurosport |
« Souvent, on le fait quand ça ne roule pas
vite », raconte Romain Feillu, maillot jaune d’un jour sur le Tour
2008, à L’Express.
« Dans les descentes, c'est mieux,
il n'y a pas beaucoup de spectateurs, ajoute son compatriote Jonathan
Hivert. Mais pas dans les villages, c'est
interdit. Je me suis déjà pris une amende pour ça. »
200 francs
suisses, soit 192 euros si les commissaires vous prennent en train d’uriner
devant le public. Pour un professionnel, ça va. Mais pour les coureurs de
moindre niveau, ça revient cher. Les coureurs essaient donc de s’isoler. Les
forêts sont des espaces idéaux pour cela. Il y a moins de gens.
Pour les échappés
en revanche, il n’est pas question de perdre de temps. Quand vous luttez à
cinq-six coureurs contre les 180 restants, il est hors de question de s’arrêter.
Les coureurs urinent donc en roulant. Exercice périlleux, surtout par vent de
face. « Seuls les plus acrobates en
sont capables », s’amuse Nicolas Vogondy, ancien champion de France,
toujours devant nos confrères de L’Express
(article à lire si vous voulez en savoir plus).
« Pas très classe des mecs en cuissard avec plein de poils »
Absolument Raphaël. Ce petit article du
Figaro est très utile. Les raisons sont triples. La première est
esthétique. Les coureurs comme Giovanni Bernaudeau, team Europcar, le disent :
« Ce ne serait pas très classe des mecs en cuissard avec plein de poils.
»
Il y a ensuite
une raison médicale. Comme lorsque le pauvre Jean-Christophe
Péraud est tombé sur la route de Rodez, il s’avère qu’il est plus aisé pour
les médecins de soigner les membres du corps meurtris par une chute s’ils sont
épilés. De plus, la pilosité renforcerait le risque d’infection en cas de plaie.
Vient enfin la
question du cuissard. Raser permet en partie d’éviter les frottements mais
aussi de particulièrement bien coller à la peau.
"Ma chérie, toi tu es un cycliste, tu dois t'habiller moulant"
Je me permets cette jonction avec la question de Teresa : c’est effectivement une question d’aérodynamisme. On a longtemps ignoré si, comme chez les nageurs, la pilosité était un frein à la vitesse. En 2014, une entreprise de composants de bicyclettes, Specialized, a réalisé une étude en soufflerie.
Résultat, un
coureur roulant à 40 km/h pendant une heure sur route plate perdrait 15 watts
de puissance. Ce qui est énorme puisque 40 km/h, c’est une moyenne basse pour
un professionnel. Hier sur la route de Gap, les coureurs ont dépassé les 50
km/h durant la première heure. En revanche, le résultat devient nul lorsqu’on
est en altitude où la vitesse ne dépasse pas, durant une attaque, les 30 km/h.
Tony Martin, triple champion du monde du contre la montre - Crédit : CC Soren Storm Hansen |
Pour les
vêtements, l’usage du cuissard a une importance aérodynamique certaine. C’est
un des rares héritages positifs de Lance Armstrong. C’est l’Américain qui a
lancé la révolution du matériel avec Trek et du textile avec Nike. Fred Grappe,
directeur sportif FDJ, explique ainsi en 2012 sur l’excellent site cyclismactu.net :
« On sait aujourd’hui qu’en possédant un matériel et des vêtements
optimisés, il est possible de gagner plusieurs secondes au kilomètre en
contre-la-montre. »
3 300 bidons utilisés sur la 13e étape vers Rodez
Ah les bidons !
Durant la 13e étape en direction de Rodez, la température du bitume
a quasiment atteint le record de l’histoire du Tour : 60,9° C (ndlr : le record étant de 63° C, mesuré
aux Rousses, en 2010). Dans l’air, il faisait 39° C.
Le lendemain,
le journal L’Equipe fait le calcul :
3 300 bidons environ ont été consommés par le peloton en 198.5 km entre
Muret et Rodez. Soit un bidon d’un demi-litre par coureur par quart d’heure de
course !
Or les bidons
sont jetés quand ils sont vides. Alors ? Alors, il y a une consigne :
il faut jeter les bidons là où il y a du public au bord de la route. Les badauds
venus acclamer les cyclistes sont généralement tout heureux d’obtenir un
souvenir gratuit et personnalisé (bah oui, c’est le bidon de Thomas Voeckler
tout de même !).
Arnaud Démare s'asperge au matin de la 13e étape Muret-Rodez - Crédit : Nicolas Götz |
Problème, pour
éviter que le bidon revienne sur la chaussée et ne devienne aussi dangereux
pour les coureurs qu’une peau de banane, les cyclistes l’envoient souvent avec
force. Une petite fille de 6 ans a ainsi reçu un bidon en pleine figure sur
la route d’Amiens lors de la 5e étape et
a dû être examinée à l’hôpital.
A quoi je pense ?
Le paysage, je ne sais pas. Mais c’est certain que l’environnement
dans lequel se trouvent les coureurs peut donner une dimension épique à la
performance. Le Ventoux et son aspect désertique impressionnent énormément.
Pour celui qui triomphe au sommet, le paysage lunaire du « Mont chauve »
donne des frissons.
Pour tes deux autres questions, oui ça leur arrive de s'emmerder sec. Mais voici la réponse (que j’adore)
de Jimmy Casper, retraité, dans Pédale :
« Ça passait du coq à l’âne, on
pouvait parler d’une petite culotte que l’on venait de voir en passant sur le
bord de la route comme de la bosse qui allait arriver derrière. »
Cette phrase est magique.
Je conclus avec ce petit tweet de Jérémy Roy,
baroudeur de la FDJ, qui donne une des bases de réflexion des coureurs.
Bonjour,
RépondreSupprimerj'ai lu vos justifications de l'épilation (aérodynamisme, blessures,...) mais une question me vient dans ce cas: pourquoi les coureurs ne se rasent-ils pas aussi les bras?
De ce que je vois au jour le jour, je n'ai pas vu beaucoup de coureurs velus des bras. En général, ils rasent tout pour éviter les frottements. Les boxeurs se rasent sous les bras en partie pour cette raison.
Supprimer
RépondreSupprimerPour le pipi, je ne pige toujours pas: Quand est-ce qu'on parle des attaquants ou des échappés qui se font dessus simplement? Richard, Virenque, n'avait-il pas fait cela? Je ne vois pas du tout la méthode pour sortir sa bite à fond de train ni son intérêt...
Il y a bien sûr des coureurs dont on sait qu'ils se sont ouvertment "lâchés" dans leur cuissard pour éviter de perdre du temps. Plus que cela, sous la pluie, certains coureurs urinent pour se réchauffer les pieds et avec la pluie, ils se retrouvent finalement "propres" en arrivant.
SupprimerGreg Lemond avait même dû opérer en urgence pour un gros besoin il y a une vingtaine d'années.
Mais je vous avoue ne pas être rentré dans les détails car ce n'était pas le principe.
Concernant la méthode, voici ce que j'ai pu trouver sur 20minutes.fr :
""Tout d’abord, se glisser au fond du peloton. «Sinon tu arroses les autres, explique Da Cruz. Ensuite, tu demandes à un équipier de te pousser en mettant la main sur ta selle.» Vient ensuite le moment délicat de passer à l’acte. Mais d’abord, il faut repérer le sens du vent. «Si le vent vient de gauche, tu te mets sur la droite de la route et vice-versa, poursuit Carlos Da Cruz. Il faut aussi se méfier des légers virages où tu peux te retrouver vent de face. Là, tout revient sur le short et le bidon et ce n’est pas agréable.»""
Après, l'intérêt est expliqué ci-dessus : l'objectif est de ne pas perdre de temps. Spécialement pour les échappés. S'arrêter fait perdre minimum 1 minute... Quand on sait les efforts qu'il faut consentir pour prendre une minute au peloton...