Christopher Froome a reçu de l'urine lors de la 14e étape du Tour - Crédit : CC Jaguar Mena |
[EDITO] Le qualificatif est
venu de la bouche de Chris Froome en conférence de presse après la 14e
étape qui ralliait Mende hier samedi. Le maillot jaune a reçu de l’urine sur le
visage de la part d’une personne au bord de la route. Le matraquage médiatique
à charge des derniers jours n’est évidemment pas étranger à cette action
abjecte.
La vidéo provient du compte Dailymotion L'Equipe.fr (source)
Personne ne mérite ça. Mais en même temps, n’était-ce pas
prévisible ? Alors que depuis mardi, la vindicte médiatique fut résolue et
totale. De peur d’être cocufiés une deuxième fois après les sept années de
dictature d’Armstrong, bien des journalistes s’en sont pris de manière aveugle
à un homme, Chris Froome, dont la seule faute avérée est d’être au rendez-vous
de ce Tour de France quand tous les autres leaders ont eux, pour l’instant,
failli.
La présomption d’innocence a été non seulement bafouée mais foulée
aux pieds. En définitive, on prend plus de précautions avec certains accusés de la Cour d’assises qu'avec le Kenyan blanc.
La une de Libération – étonnamment
antithétique du ton équilibré des articles –, tout comme les innombrables couvertures
des chaînes d’info continue, BFM TV en tête, ont clairement participé de la construction négative de l'opinion du public à l'endroit de Froome. Mais aussi de son lieutenant Richie Porte.
Frappé mardi dans la désormais célèbre montée de La Pierre-Saint-Martin, l’Australien
est aussi dans le viseur de la presse, précisément pour sa deuxième place là-haut, jugée
suspecte par ces spécialistes autoproclamés du vélo qui ne regardent qu’une
course par an, le Tour de France. Et encore, en somnolant devant.
Heureusement, dans cette atmosphère fangeuse, quelques-uns
continuent d’avoir le sens de l’humour.
"Le Tour est en souffrance, contaminé par son passé"
J’avais déjà expliqué le contexte tragique dans lequel s’écrit ce Tour de France dans mon édito de mercredi « L’Histoire est contre nous ». Je me permets ici de vous citer ce qui a été écrit sous la plume de Philippe Brunel dans L’Equipe le lendemain :
« Le Tour est en souffrance, contaminé par son passé, ses déviances, par le « syndrome Festina », les années blêmes, obscènes de l’EPO, par les mensonges de Virenque, Landis, tout un théâtre absurde qui, aujourd’hui encore, par ricochet, par recoupements, viennent brouiller le jugement à l’heure des commentaires.
Oui, comment séparer le bon grain de l’ivraie ? Et s’empêcher de voir en transparence, derrière Chris Froome, le spectre d’Armstrong ? Comme le Texan, à Sestrières en 1999, à Hautacam en 2000, le « clergyman » de Sky a plié le Tour sous son joug dès la première arrivée en altitude. Dans les faits, rien d’autre qu’un effort paroxystique, étriqué, de 6.5 km.
« Pour moi, rien d’extraordinaire », reconnaît Paolo Slongo, le préparateur d’Astana [ndlr : équipe du tenant du titre, Vincenzo Nibali]. Rien à voir avec l’envolée solitaire sur 140 km d’un Eddy Merckx déchaîné sur la route surchauffée de Mourenx en 1969. »
De quoi faire ressurgir dans la mémoire de Philippe Brunel
le coup de poing de la honte infligé justement au « Cannibale » dans
la montée du Puy-de-Dôme en 1975. Hasard ou conséquence, le règne d’Eddy Merckx
s’arrêta cette année-là sur les pentes de Pra Loup. Au final, le Belge ne parvint
à faire mieux que deuxième derrière Bernard Thévenet. Espérons que ces actes violents contre les Sky n’aient cette fois pas d’incidence sur le résultat de la course. Aujourd'hui, j’en viendrais
presque à souhaiter que Froome gagne. Un comble.
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