Les éoliennes tournaient forts dans les soixante-dix derniers kilomètres - Eurosport |
[PEDAGOGIE]Longtemps, le Tour de
France s’est levé tard. En deuxième semaine. Les sept-huit premiers jours
étaient souvent plats et donc la chasse-gardée des sprinteurs. Depuis l’an
passé, tout a changé. Durant les deux premières étapes de ce week-end, c’est le vent
qui a fait la décision en adoubant les plus forts.
Que s’est-il passé ?
Voilà qui va permettre de répondre à deux questions qui m’ont
été posées sur ma page Facebook (par Kevin et Clémence).
Eh bien tout simplement parce qu’on s’est dit qu’on pouvait rendre les choses plus intéressantes que prévu avant la haute montagne. L’année passée, lors d’une première semaine tour à tour vallonnée et pavée, Vincenzo Nibali avait non seulement pris les devants mais il avait fait paniquer ses principaux concurrents (Froome et Contador) qui avaient chuté et finalement abandonné.
Après deux étapes, le vent a choisi son camp
Cette année, plus que jamais, le Tour de France consacrera
un coureur complet et pas seulement un « rouleur-grimpeur » comme on
les appelle. Avant une étape vallonnée ce lundi après-midi, qui finira comme la prestigieuse Flèche Wallonne d'avril, et le pavé demain mardi, qui rappellera
Paris-Roubaix, le vent a fait des siennes durant les deux premiers jours.
Samedi d’abord, lors du contre-la-montre individuel où les 198 coureurs partaient à une minute d’intervalle pour
13,8 km. Dans cet exercice solitaire, chacun fait de son mieux et on calcule les écarts à la fin. A ce petit
jeu-là, il faut regarder deux choses : les rouleurs et les coureurs
complets.
- les rouleurs sont des coureurs puissants, athlétiques et endurants (rien à voire avec les crevettes qui vont dominer en montagne) qui gagnent les contre-la-montre ;
- les coureurs complets sont ceux pouvant prétendre à la victoire finale (au maillot jaune). Leur objectif n’est pas de gagner l’étape (les favoris ne gagnent plus les contre-la-montre depuis qu’Armstrong a été déchu de ses sept titres) mais de se mesurer aux autres favoris.
Thibaut Pinot termine avec le meilleur chrono de ceux jouant le maillot jaune - France TV |
Comment s’est joué le chrono de samedi à Utrecht ?
Grâce au vent… Entre la première partie de l’après-midi et la deuxième, le vent
s’est levé. Un vent de face dans la deuxième partie du
parcours qui s’est accentué au fil du temps et qui a sanctionné ceux partis un peu plus tard.
Chez les spécialistes du contre-la-montre (nos rouleurs) :
Rohan Dennis, 25 ans, ancien recordman de l'heure, et parti tôt dans l’après-midi, a ainsi pu devancer les
trois grands favoris (Martin, Cancellara et Dumoulin) de quelques petites
secondes (5, 6 et 8 respectivement), prenant ainsi le premier maillot jaune du Tour.
Chez les complets, quatre sont partis tôt et ont réussi leur
chrono :
- notre challenger français Thibaut Pinot (à 41’’ de Dennis) a réalisé le meilleur temps des favoris avec le Colombien Rigoberto Uran (40’’) ;
- Tejay Van Garderen, 2e du Dauphiné en juin, est à un souffle (42'')
- Parmi les quatre cavaliers de l’Apocalypse (les quatre grands favoris), le grimpeur de poche Nairo Quintana sort lui un excellent 1’01’’.
Les trois autres cavaliers ont eux connu des fortunes
diverses en partant plus tard :
- Vincenzo Nibali, vainqueur du Tour 2014, a clairement limité la casse à 43’’ de Dennis mais il aurait dû gagner du temps ici ;
- Christopher Froome, vainqueur du Tour 2013, à 50’’ de Dennis ;
- Alberto Contador, vainqueur du Giro d’Italia, à 58’’.
Voilà pourquoi on a pu parler de grande réussite pour Pinot
samedi soir.
Froome et Contador, sortent renforcés du week-end
Voilà qui pose la question essentielle du vélo et qui explique en grande partie le scénario de l’étape d’hier. Pourquoi huit équipiers tentent de faire gagner un seul homme ?
En réalité, les équipes ne sont pas du tout composées de la
même manière en fonction des objectifs (gagner des étapes ou faire une place au
général) :
- il y a des rouleurs (cf. ci-dessus) qui visent les étapes contre-la-montre,
- des sprinteurs (des coureurs ayant la meilleure pointe de vitesse sur un instant court) qui visent les étapes de plat,
- des puncheurs (spécialistes des côtes courtes mais très pentues) qui visent les étapes vallonnées,
- des grimpeurs (spécialistes des côtes longues, c’est-à-dire les cols de haute montagne),
- et des baroudeurs (spécialistes des échappées).
Hier dimanche, il y avait beaucoup de vent parce que les 70
derniers kilomètres se déroulaient essentiellement en bord de mer sur des
routes très exposées. Dans ces conditions, certaines équipes riches en rouleurs
(coureurs forts sur le plat) peuvent tenter de créer des « bordures ».
A 20 km de l'arrivée, les coureurs en tête parviennent à maintenir - Eurosport |
Ici la mer est à droite et le vent vient de la mer. Les équipes
fortes sur le plat tente donc de se positionner sur le côté gauche de la route
(pour que personne ne puisse se protéger du vent) et accélèrent.
Quel est l’objectif ? Faire craquer des rivaux (pour l'étape ou pour le général) qui, s’ils sont mal placés ou mal
accompagnés, ne parviendront pas à résister au vent latéral.
Hier, les grands vainqueurs furent indiscutablement Froome,
Contador, Van Garderen (parmi les complets), Cancellara (parmi les rouleurs) et
Greipel (sprinteur). Plantons le décor : il faisait 37° samedi, 18° dimanche
avec de la pluie et du vent.
Les équipes Etixx-Quickstep et Lotto-Soudal provoquent la cassure
A 57 km de la ligne d’arrivée, l’équipe Etixx-Quickstep
accélère pour provoquer un coup de bordure. L’objectif du team belge très riche en rouleurs (T. Martin, M. Kwiatkowski) :
faire gagner au sprint Mark Cavendish. Cette attaque collective voit de
nombreux coureurs distancés : Nairo Quintana, l’un des quatre favoris et le Français Jean-Christophe Péraud, 2e
du Tour de France l’an passé.
A 49 km du terme, nouvelle attaque collective, cette fois
des Lotto-Soudal. Leur objectif : faire gagner leur sprinteur à eux, André
Greipel. A ce moment-là, les équipes de favoris placées en tête (Tinkoff pour
Contador ; Sky pour Froome) vont prendre des relais pour essayer mettre au
supplice les quelques favoris privés d’équipiers. Cela fonctionne à merveille
puisque Vincenzo Nibali (privé du soutien des siens à cause d’une chute collective à 66 km
de l’arrivée) et Thibaut Pinot lâchent prise.
Le groupe de 27 coureurs (finalement vingt-quatre à l’arrivée)
va ainsi faire cause commune, chacun pour ses raisons. Au final, la bataille entre
sprinteurs tourne à l’avantage d’André Greipel qui remporte l’étape devant Sagan, Cancellara et Cavendish.
Le duel des leaders tourne à l’avantage de Froome, Contador, Van Garderen et Uran tandis que le meilleur rouleur de ces dernières années, Fabian
Cancellara, présent dans ce groupe de tête, prend le maillot jaune.
Le vent a fait son œuvre et voici le classement général au
terme de la 2e étape :
- les rouleurs, forts contre le vent et sur plat en mauve,
- les sprinteurs en vert,
- ceux jouant le général en jaune, c'est-à-dire ceux pour qui le temps est décisif
1 - F. Cancellara
(Trek)
2 - T. Martin (Etixx-Quickstep) à 00'03''
3 - T. Dumoulin (Giant-Alpecin) - 00'06''
4 - P. Sagan (Tinkoff) - 00'33''
5 - G. Thomas (Sky) - 00'35''
6 - D. Oss (BMC) - 00'42''
7 - R. Uran (Etixx-Quickstep) - 00'42''
8 - T. Van Garderen (BMC) - 00'44''
9 - G. Van Avermaet (BMC) - 00'48''
10 - C. Froome (Sky) - 00'48''
...
13 - A. Greipel (Lotto-Soudal) - 00'59''
14 - A. Contador (Tinkoff) - 01'00''
21 - M. Cavendish (Etixx-Quickstep) - 01'24''
22 - W. Barguil (Giant-Alpecin) - 01'25''
31 - T. Pinot (FDJ) - 02'07''
33 - V. Nibali (Astana) - 02'09''
39 - A. Valverde (Movistar) - 02'22''
41 - J.-C. Péraud (AG2R) - 02'25''
44 - N. Quintana (Movistar) - 02'27''
78 - R. Bardet (AG2R) - 03'00''
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