L’Histoire est contre nous

Christopher Froome - Crédit : CC Jaguar Mena

[EDITO] Le mardi 14 juillet 2015 a été marqué par un sursaut citoyen. « Républicain » dirait-on en politique. Après sept ans d’obscurantisme, de déclarations fracassantes de Lance Armstrong clamant son innoncence, nous tous peinons à croire dans les performances de Chris Froome.

Hier mardi, la fin d’après-midi est lourde de sous-entendus, de non-dits à La Pierre-Saint-Martin. « Je suis fier d'être arrivé à ce niveau en étant propre », assène alors Christopher Froome, vainqueur quelques instants plus tôt au terme d’une étape parfaite pour lui et son équipe (Richie Porte termine 2^e et Geraint Thomas est dans le Top 5 au général).

La puissance développée (434 watts en moyenne sur la montée de 15.3 km) est comparable à celle de Vincenzo Nibali à Hautacam l’an passé (433) mais le cancer de la suspicion a déjà métastasé. Pourtant, le Kenyan blanc reste lui d’un calme souverain. Il « n'est pas très difficile de rester cool face à ces questions. (…) Ce serait différent si j'avais quelque chose à cacher. Je comprends que les questions (sur le dopage) sont liées à l'histoire de notre sport. Mais il faut me respecter, j'ai travaillé dur pour être là où je suis. »

Armstrong, Ullrich et Hamilton ont violé notre sport

L’histoire. Tout est là. Au final, peu importe les arguments que nous, ardents défenseurs de la petite reine, présenterons. Lance Armstrong, Jan Ullrich, Tyler Hamilton et les autres ont sali, souillé, violé notre sport. Or au vu des dernières 24h, on nous rappellera éternellement cette honte qui nous étreint. Nous broie.

Habitués du doute, les fans de vélo n’ont pourtant pas attendu les contempteurs d’un jour, les journalistes à sensation, pour s’inquiéter d’une telle performance. Des sites entiers relatent depuis des années la relation tortueuse que le vélo a pu entretenir et entretient toujours avec le dopage. Mieux, ils délivrent des données dont les autres fans de sport ignorent jusqu’à l’existence.

Alors quoi ? Serons-nous toujours condamnés aux moqueries ? Aux rires ? Aux débats violents ? Nous refusons simplement de rougir en regardant le Tour de France. Nous voulons retrouver la quiétude des autres fans de sport mais aussi rétablir l’équilibre. Car finalement, comme l’a dit Bertrand Volpilhac, l'excellent journaliste de 20minutes.fr : « Froome est peut-être chargé comme une mule. Mais les détracteurs du Britannique comme nous ici à 20 Minutes n’en savons strictement rien. »

Lance Armstrong - Crédit : CC Vélocia

Admettons-le, nous ne savons pas si Froome est dopé ou non

Son argumentaire est complet, riche en informations et permet d’y voir un peu plus clair. De démêler les vraies inquiétudes, des fausses accusations.

Voilà près d’une journée que je cherche à expliquer sur mon Facebook que je ne sais tout simplement pas si Froome est dopé ou pas. Mais que personne ne le sait. En revanche, ce que je sais, je l’ai écrit dans mon article d’hier. Pour donner des bases à la réflexion. Au débat. J’ai analysé les défaillances des autres leaders tant attendus (Nibali qui dit ne pas se reconnaître lui-même, Contador, vidé par un Giro où il fut trop esseulé, Pinot qui dit ne pas être à son niveau habituel). Avant de rappeler que si Quintana n’avait pas perdu tant de temps à cause d’une bordure aux Pays-Bas lors de la 2^e étape, il ne pointerait qu’à une soixantaine de secondes de Froome au général.

Mais rien n’y fait. Même les fans de vélo cèdent à la tentation du mitraillage en règle. L’union de l’ensemble du sport professionnel est bien en train de se faire sur le sang du cyclisme.

L’union de tous les sports se fait sur le sang du cyclisme

Pourtant, aucun autre sport n’a plus lutté que le vélo contre le dopage. Aucun autre sport n’est allé jusqu’à faire tomber ses idoles pour assainir ses compétitions (Contador, Fränk Schleck, Lance Armstrong, Jan Ullrich, Floyd Landis, Michael Rassmussen ou Alexandr Vinokourov). Aucun autre sport n’a destitué son plus grand héros parce qu’il avait triché. Aucun autre sport n’a fait tant amende honorable.

Mais voilà, la violence du mensonge mondial d’Armstrong n’est pas passée. Depuis, le cyclisme doit payer. Le cyclisme n’est plus crédible. Le cyclisme n’a pas le droit à une seconde chance. Le cyclisme doit crever. Pendant que le football, le rugby, le tennis, la natation, où pourtant d’innombrables affaires sont sorties, eux peuvent vivre en paix. Le dopage n’est pas prêt d’y être combattu puisqu’on va jusqu’à nier son existence.

Le vélo est une proie facile. Vacillante. La preuve en est, Lance Armstrong n'a pas hésité à jeter en personne le doute sur la performance de Froome sur son compte Twitter. Personne ne lui a clairement dit qu'on se passait de son avis.

Mais j’ai lancé ce blog pour montrer à quel point ce sport mérite d’être regardé. Notamment parce qu’il est indiscutablement le plus propre – ou le moins sale diront les cyniques – du fait même qu’il lutte quotidiennement contre le fléau du dopage (cf. le cas positif de Luca Paolini, vainqueur d’une classique cette année).

Je continuerai de faire de la pédagogie, de vous montrer pourquoi j’aime tant le vélo. Sans crédulité excessive. Sans candeur stupide. Sans naïveté lâche. Un jour viendra peut-être où les manuels d’histoire du sport écriront que « le cyclisme fut la première discipline sportive à tenter d’éradiquer le dopage au début des années 2000. Mais que voyant l’incroyable cabale médiatique déclenchée contre la petite reine, les instances des autres sports avaient renoncé à nettoyer devant leur porte ». En attendant, l’Histoire est contre nous.


Je vous recommande la lecture des articles suivants :

• Les arguments pour expliquer la performance de Froome

• Un éditorial particulièrement bien senti : "Le Festin des misérables"

• Est-ce Froome qui tue le Tour de France ou ses détracteurs ?