samedi 18 juillet 2015

Ils se sont regardés… ils ont perdu

R. Bardet (à gauche) et T. Pinot (à droite) ne s'entendent pas et sont battus - Crédit : Eurosport
[ANALYSE] C’est à croire que le Tour de France a proféré une malédiction sur les propres enfants de son territoire. Thibaut Pinot et Romain Bardet n’avaient que 1 300 mètres à parcourir pour gagner. Mais le Britannique Steve Cummings les a coiffés sur le fil. Débriefing vidéo dans la voiture de la FDJ.

Le Tour de France n’aime plus les siens. Un désamour brutal, violent. Comme pour rétablir l’équilibre après les avoir tant chéris l’an passé : Péraud, Pinot et Bardet dans le Top 6, deux victoires d’étape pour Kadri et Gallopin et même le port du maillot jaune pour ce dernier.

Cette année, seul Vuillermoz est passé entre les gouttes du déluge de revers qui s’abat sur les coureurs tricolores depuis Utrecht. Ce samedi, il n’aura fallu que quelques centaines de mètres pour vivre une nouvelle désillusion. 178.5 km au menu d’une étape qui ne pouvait que ravir les baroudeurs entre Rodez (Aveyron) et Mende (Lozère).


Parmi eux, on compte bien des déçus de ces deux premières semaines : Rolland, Pinot et Bardet pour les Français ; pour les autres, Uran, Talansky, S. Yates ou Hesjedal mais aussi le maillot vert Peter Sagan, toujours à la recherche de sa première victoire d’étape cette année sur le Tour.

La dernière difficulté n’a rien des montagnes titanesques des Pyrénées. C’est une bosse. Mais une bosse cruelle. La côte de la Croix Neuve, 2e catégorie. Trois kilomètres féroces à 10% de moyenne avant une petite descente d’un kilomètre et enfin un faux-plat montant de 700 mètres en guise de conclusion.


Dans cette impitoyable ascension, c’est Romain Bardet qui avait très clairement les meilleures jambes. Par trois fois, le grimpeur de poche d’AG2R attaque. Chaque offensive a le mérite de faire le tri parmi les prétendants. Thibaut Pinot n’a lui pas cette capacité assassine d’accélérer. Il se contente d’augmenter la cadence « au train » comme on dit, assis sur son vélo.

Bardet attaque par trois fois, Pinot résiste au train


Au sommet de la côté, Pinot parvient ainsi à faire la jonction avec Bardet. Il reste 1.5 km et les deux hommes sont exténués, marqués sans doute par tous les déboires des jours précédents. Les chutes, les avanies, les innombrables humiliations subies s’effacent alors que le parfum de la victoire, de la revanche flotte enfin dans l’air de la Lozère.

Bardet et Pinot ne rattraperont jamais Cummings qui file vers la victoire à Mende - Crédit : Eurosport
Mais alors que les deux compères semblent presque savourer de s’adjuger l’étape entre eux, ils se retournent. Un simple coup d’œil de vérification. Misère ! Voilà qu’un troisième larron surgit en haut de la pente ! La souffrance et la rage déforment le visage de Stephen Cummings, seul autre survivant du terrible traitement infligé par Bardet dans la montée.

C’est là, en deux cents mètres, que les deux Français perdent tout. Ils paniquent. Car en une fraction de seconde, ils comprennent que, Cummings étant plus rapide au sprint qu’eux, ils doivent à tout prix prendre de la marge.

Mais Bardet et Pinot n’arrivent pas à se mettre d’accord. Le deuxième implore le premier de prendre des relais pour distancer le puissant rouleur britannique (1m90, 75 kg).


Tergiversations. Hésitations. Cummings les rattrape déjà et attaque, assis, dans la descente vers Mende. Bardet et Pinot s’accrochent comme des morts de faim mais leur espoir s’effrite. Avant le dernier virage qui mène au sprint final, les deux hommes comptent déjà 50-60 mètres de retard. Ils ne reviendront jamais. Bardet s’en frappe le casque de rage.

La première victoire pour une équipe africaine sur le Tour


Stephen Cummings offre lui la première victoire de l’histoire du Tour de France à une équipe africaine, le team MTN-Qhubeka. Son troisième succès personnel en World Tour après une étape du Tour de Pékin et une de la Vuelta (2012).

Nouvelle déception dans le clan français. Peut-être la plus frustrante. Vendredi déjà, je vous donnais les éléments qui selon moi permettaient d’expliquer la déroute française durant cette Grande Boucle.

Trop de pression. Une grosse chaleur. Beaucoup de chutes. Des équipes pas au niveau pour entourer leur leader. Mais pourtant, Romain Bardet allait mieux dans la dernière étape des Pyrénées jeudi puisqu’il avait fini troisième de cette étape-reine derrière Rodriguez et Fuglsang.

Pinot n’était lui pas de l’échappée mais il avait tenu face aux attaques répétées des rivaux de Froome dans l’ascension du plateau de Beille. Au final, le Franc-Comtois avait même terminé dans la roue du maillot jaune et de Nairo Quintana.


Les jambes et le moral paraissaient retrouvés. Mais en 1 300 malheureux mètres, les Français ont à nouveau tout perdu.

L'étape dans la voiture de la FDJ - à regarder à partir du timecode : 01'14''.



Le classement de la 14e étape

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