Thibaut Pinot au sommet de son art !

Thibaut Pinot a sauvé son Tour en enlevant la prestigieuse étape de L'Alpe d'Huez - Crédit : Eurosport

L'audace enfin récompensée. Après une chute humiliante mercredi dans la descente du Col d'Allos alors qu'il jouait la victoire d'étape, Thibaut Pinot a triomphé ce samedi après-midi à l'Alpe d'Huez. Le Franc-Comtois a su résister au retour d’un énorme Nairo Quintana qui a repris 86 secondes à Froome. Insuffisant. Le Britannique reste en jaune mais quel panache du Colombien !

Les princes de l’an passé ont expié leurs fautes des dix premiers jours. Et, magnanime, la Grande Boucle les a absouts. Comme une maîtresse laisse parfois la porte entrouverte à un ancien amant de retour en grâce.

Bardet à Saint-Jean-de-Maurienne jeudi. Nibali hier vendredi à La Toussuire. Et enfin Pinot cet après-midi sur une Alpe d’Huez en majesté dans le soleil d’été.

110 km et seulement deux difficultés. Mais quels obstacles ! La pente s’élevait par deux fois pour deux murs hors-catégorie, La Croix de Fer, gravie dans le sens inverse d’hier (29 km à 5.2%) et donc l’Alpez d’Huez (13.8 km à 8.1%).

Valverde tire le premier, suivi de Quintana

Dès le départ, l’équipier de luxe de Thibaut Pinot, Alexandre Geniez (9^e du dernier Giro), part en échappée. L’objectif est clair : aider son leader dans l’Alpez d’Huez si le Franc-Comtois se retrouve en position de gagner. Pourtant, tout commence mal pour le troisième du dernier Tour de France, lâché dans l’ascension de La Croix de Fer en raison du rythme imprimé de concert par la Movistar du duo Quintana-Valverde et les Astana de Nibali. On réalise vite pourquoi lorsqu’Alejandro Valverde, troisième au général, attaque avec une violence inouïe. Sa plus belle saillie du Tour.

Le champion d’Espagne creuse l’écart et on comprend cette fois qu’il ne joue pas sa carte personnelle mais qu’il travaille pour Quintana. La hiérarchie est enfin claire. On trépigne en attendant l’attaque du leader Movistar mais c’est un autre Colombien qui lance à son tour un assaut : José Serpa de la Lampre.

L'allégeance de José Serpa (en rose) à son compatriote Nairo Quintana (en blanc) - Crédit : Eurosport

C’est alors que Quintana fracasse le groupe maillot jaune. Et se sert tour à tour de son allié de compatriote Serpa puis de Valverde pour prendre de l’avance. La tactique est parfaite. Derrière, Froome ne peut plus compter que sur Nicolas Roche. Puis quand Roche craque, c'est Porte qui serre les dents, revient et mène la poursuite. Pinot a lui réussi à recoller au train.

Revenu, Richie Porte emmène Froome (jaune), Nibali, Contador et Pinot - Crédit : Eurosport

Un Thibaut Pinot de haut vol

Après son succès polémique d’hier, le maestro Nibali donne un nouveau coup de poignard à Froome. Le Sicilien n’a pas digéré les remontrances du maillot jaune et veut faire mal au Britannique. Mais Froome ne se démonte pas et reprend l’Italien. Devant, après avoir compté dix secondes d’avance sur le maillot jaune, les deux Movistar marquent le pas car Valverde s’est mis dans le rouge pour Quintana. Résultat, Froome revient sur les deux hommes dans les premiers kilomètres de la descente de la Croix de Fer.

Tout le monde souffle et un regroupement intervient à 46 km de l’arrivée. Pinot en profite pour recoller et décoche tout de suite une nouvelle flèche en compagnie de Hesjedal, Anacona, Rolland, Serpa et Plaza, le vainqueur de Gap (16^e étape). Une situation idéale pour Pinot qui n’a pas à rouler puisqu’il a un équipier toujours en tête, Alexandre Geniez. Au pied de l’Alpez d’Huez, ce dernier possède 2’11’’ d’avance sur le groupe de contreurs (Rolland, Hesjedal, Pinot) et 3’56’’ sur le groupe maillot jaune (Froome, Quintana).

Thibaut Pinot attaque dans les derniers kilomètres de la descente de La Croix de Fer - Crédit : Eurosport

Place alors à une montée d’anthologie. Quintana fait rouler l’un de ses équipiers revenus de l’enfer, José Herrada et lance les hostilités ! Une première secousse tranchante de Hesjedal survient au même moment un peu plus haut mais Pinot reste dans sa roue.

L'Alpe d'Huez, théâtre du déchaînement des Movistar

Plus bas, Porte a ramené Froome sur Quintana mais le Colombien insiste avec une deuxième offensive ! Il est de nouveau repris. Mais c’est Valverde qui part à l’abordage à son tour pour reproduire le schéma tactique de La Croix de Fer : servir de point de relais plus haut dans l’ascension à Quintana.

La troisième banderille plantée par Quintana dans le dos de Froome est la bonne. Cette fois, c’est Wout Poels, qui fait la jonction mais Froome ne parvient pas à suivre son gregario. Quintana prend enfin une longueur d’avance. Devant, Hesjedal a lui aussi essayé par trois fois de faire sauter Pinot. Sans succès. Lessivé, le Canadien ne peut plus rien lorsque, dans la foulée, le Franc-Comtois porte son estocade. Mortelle.

Pinot rejoint alors son équipier, Geniez. Deux coureurs FDJ sont en tête de la course. On se dit que c’est fini. Mais non. Ecumant de rage, Hesjedal parvient à revenir au forceps sur le duo français tandis que plus bas Quintana a rejoint Valverde, déposé Valverde et rejoint un autre relais, Winner Anacona, son équipier présent parmi les contreurs avec Pinot.

A la troisième tentative, Quintana a rejoint Valverde - Crédit : Eurosport

Pinot et Quintana, deux titans domptent les cimes alpestres

A 7.5 km du sommet, Quintana et Anacona prennent le large, 30 secondes d’avance sur Froome. Devant, Geniez est lâché et Pinot porte le coup de grâce à l’opiniâtre vainqueur du Giro 2012, Ryder Hesjedal.

S’engage alors une course-poursuite entre Pinot, seul devant, et le duo Movistar Anacona-Quintana. Le Colombien vise la victoire d’étape et qui sait, peut-être un peu plus… A 4km de l’arrivée, le Français voit son avance fondre comme neige au soleil : 52 malheureuses secondes sur la doublette colombienne.

Le leader des Movistar attaque alors pour tenter de combler l’écart mais Pinot tient. Tient. Encore et toujours. Son oreillette en panne, le leader de la FDJ ignore quelle est son avance jusqu’à ce que son directeur sportif, Yvon Madiot, ne remonte à sa hauteur en voiture.

Plus bas, Froome se bat désormais seul contre Quintana mais aussi contre la foule de l’infamie et de la bassesse qui lui crache au visage et l’injurie, comme la veille à La Toussuire. Un voile de honte recouvre alors la route du Tour. Mais la hargne de Pinot redonne le sourire. Les trois derniers kilomètres de la montée sont plus roulants et Pinot le sait. Avec 35 secondes de retard, Quintana ne reviendra pas, malgré sa fougue et un bâton de dynamite sur chaque pédale.

Au final, Thibaut Pinot remporte la plus belle victoire de sa carrière. L’Alpe d’Huez. Rien que ça. Avec 18 secondes d’avance sur Quintana. Froome termine lui cinquième à… 1’26’’ de Quintana (bonifications comprises). Le Tour est joué mais Froome ne doit son salut qu’à son incroyable armada Sky, énorme encore aujourd’hui.

Froome a gagné le Tour en première semaine

Au bout du compte, il ne lui reste plus rien de son avance glanée en montagne et seulement 72 des 99 secondes prises à Quintana lors d’une bordure cruelle à Zélande, dès la 2^e étape. Comme le disait Marc Madiot, manager général des FDJ, « le Tour se gagne désormais en première semaine ». Demain, le « Kenyan blanc » connaîtra les honneurs du podium des Champs-Elysées pour la deuxième fois de sa vie après 2013.

Le classement de la 20e étape

Seule ombre au tableau, la perte du maillot à pois pour Romain Bardet. L’Auvergnat ne l’aura porté qu’une journée. Il n’a pu que suivre les meilleurs aujourd’hui sans prendre assez de points. Il termine troisième du classement de la montagne derrière… Froome et Quintana.

Pour finir, je souhaite saluer le courage infini de Chris Froome qui a perdu davantage de temps cet après-midi sur Quintana (1’26’’) qu’il n’en avait pris mardi 14 juillet au Colombien à La Pierre-Saint-Martin (1’04’’) lors d'une montée qui a pourtant fait vendre beaucoup de papier. A raison, le doute planera malgré tout sur les performances du Britannique et il sera malheureusement sifflé demain à Paris. Mais imaginez juste une seconde que cet homme soit vraiment propre. Ce qui est le cas jusqu’à preuve du contraire. Imaginez alors la détermination et le mental qui furent les siens depuis onze jours. Tout simplement admirable.

Le classement général après 20 étapes