jeudi 16 juillet 2015

Les seigneurs du peloton s'allient contre Froome

Chris Froome a défendu avec ardeur son maillot ce jeudi - Crédit : Eurosport
[ANALYSE] Accusé d’invincibilité depuis deux jours, le Britannique a subi la course dans l’effrayante ascension finale du plateau de Beille lors de la 12e étape. Le Kenyan blanc n’a pas perdu de temps mais une alliance de tous ses rivaux pourrait le faire plier dans les Alpes.

Cette fois, il n’y a pas eu d’alignement parfait des planètes pour Froome et les Sky. A commencer par la météo qui n’a pas fait de cadeau à cette équipe si à l’aise dans la touffeur et les 33° de la Pierre-Saint-Martin mardi. Orage, grêle et pluie battante, les conditions étaient dantesques et promettaient un destin légendaire à l’étape en cas de déconfiture du team britannique.


Pour cette étape-reine des Pyrénées, les organisateurs avaient vu les choses en grand. 195 km parsemés de quatre difficultés majeures dont le magnifique Port de Lers à une cinquantaine de kilomètres de l’arrivée. C’est peut-être là que Sky a préservé l’avance de son leader. Car les Britanniques n’ont pas été attaqués et c’est à sept qu’ils commencent à monter le plateau de Beille, onze minutes après les échappés (Kwiatkowski alors en tête).



Une ascension violente de près de 16 km à 7.9%. Durant les cinq premiers kilomètres – partie la plus pentue à 9% – les Sky emmènent le peloton à vive allure. De leur côté, les Movistar ne font plus montre de l’arrogance qui les avait conduits à leur perte dans la montée de la Pierre-Saint-Martin. Valverde et Quintana attendent sagement leur heure.

Un complot pour esseuler Froome


C’est alors que l’alliance des princes blessés du peloton se met en place. A 9 km du sommet, Roman Kreuziger et Rafal Makja, les âmes damnées de Contador, prennent la direction du groupe de tête, laissant imaginer une attaque imminente du Pistolero. Un rythme trop soutenu pour Tony Gallopin et Warren Barguil, les meilleurs Français au général (7e et 9e ce matin), qui cèdent du terrain sur le bitume trempé des Pyrénées.

1 500 mètres d’ascension qui ont le mérite d’écrémer le team Sky. Ne reste plus que leur trio diabolique : Porte, Thomas et Froome. C’est donc l’Australien Richie Porte qui emmène alors le groupe de tête. Jusqu’à 6.5 km de l’arrivée où Alberto Contador décoche une première flèche. Mais Sky continue de monter au train sans s’affoler.

Alberto Contador (à gauche en jaune, maillot Tinkoff) attaque - Crédit : Eurosport
Contador repris, c’est au tour de Vincenzo Nibali de changer de braquet. L’alliance des seigneurs de grands tours, du vainqueur du Giro avec le vainqueur du dernier Tour de France, vise la reddition de la garde rapprochée de Chris Froome.

Mais Porte tient bon. Alors Alejandro Valverde, équipier de luxe de Quintana y va à son tour, comme dans la Pierre-Saint-Martin, obligeant l’Australien à passer en danseuse.

Alejandro Valverde (casque vert, à gauche) attaque à son tour - Crédit : Eurosport
Si le maillot à pois, Richie Porte, et Geraint Thomas parviennent à suivre la cadence du champion d’Espagne, le maillot jaune est lui en souffrance pour recoller.

A droite de la route (de haut en bas) : Valverde, Porte (blanc), Thomas (noir), Froome (jaune) - Crédit : Eurosport
Valverde, 4e du dernier Tour de France, regarde derrière lui, savourant cette souffrance terrible qu’il est en train d’infliger aux Sky. A 4.8 km du terme, Valverde en remet une couche. Saignante. Digne d’un vainqueur de la Flèche Wallonne et de Liège-Bastogne-Liège. Porte, crispé de douleur, permet malgré tout aux siens de reprendre et Nibali et Valverde.

Huit attaques mettent Froome au supplice


Mais après Contador, Nibali et Valverde, c’est au tour de Nairo Quintana de donner de sa personne à 3.5 km du sommet. Cette fois, Porte explose. Enfin. Froome ne peut plus compter que sur Geraint Thomas. « Regardez, la fréquence de pédalage de Froome est saccadée », sourit Richard Virenque au commentaire sur Eurosport. Mais le vainqueur du Tour 2013 s’accroche dans le sillage de son compatriote, Thomas.

Nairo Quintana est le 4e homme à passer à l'offensive - Crédit : Eurosport
Mieux que ça, alors qu’on l’imagine en pleine projection mentale positive pour survivre à cette conjuration, Froome attaque à son tour. Non pas pour faire la décision mais comme pour prouver que le lion peut toujours mordre, même acculé. Avec Quintana dans la roue et Contador qui recolle, Froome se relève. Le Britannique n’a indiscutablement pas le même jus que mardi où il avait écrasé l’unique révolte de Valverde.

Valverde justement. L’orgueilleux Espagnol met un coup de poignard dans le dos à Froome, brutalement plus que humain que jamais. Une nouvelle attaque qui contraint le Kenyan blanc à s’employer. Quintana tente alors encore à deux reprises de faire céder l’irréductible maillot jaune. En vain. Huit attaques par quatre géants du cyclisme mondial. Mais Froome a tenu avec bravoure. Au mental. Le bougre est fort mais tout sauf invincible. Ses adversaires en ont pris bonne note pour la suite.

Les Alpes constitueront autant de coupe-gorges pour le Britannique qui devra sûrement résister à d’autres tentatives de coup d’Etat. Pour les conspirateurs, il faudra s’attacher à faire flancher les équipiers du musculeux maillot jaune plus tôt à Pra-Loup (17e étape), à la Toussuire (19e) et à l’Alpe d’Huez (20e).

Le maillot jaune a la meilleure équipe du monde


Car cette fois, Froome n’est pas passé loin de la correctionnelle et doit beaucoup à ses équipiers. A Richie Porte, comme en 2013, qui résiste jusqu’à la première saillie de Quintana. Mais aussi à Geraint Thomas dont les montées au train ne sont pas très spectaculaires mais terriblement efficaces.

Geraint Thomas - Crédit : CC Matt Hallett
Le Britannique a d’ailleurs inspiré cette analyse à l’un des observateurs avisés du Forum du Gruppetto (avant l’étape d’aujourd’hui) : « Après une première semaine du Tour où on a eu du vent et des pavés (terrains où il excelle depuis longtemps), un chrono court et un chrono par équipes (idem), une montée sèche [vers La Pierre Saint-Martin] où la Sky a géré son rythme à merveille, puis un long col [le Tourmalet] où il n'y a eu qu'un seul grand changement de rythme, ce n'est pas du tout surprenant de le voir à l'aise comme équipier. Et même au général, il pourra aller chercher une place d'honneur, car sauf s'il doit travailler très tôt, il ne connaitra pas de défaillance. Il fera son boulot, avant de s'écarter pour finir à son rythme. »

Faire exploser Thomas prendra donc du temps puisqu’il faudra faire d’abord s’agenouiller Porte. Mais la chose est faisable. Durant trois kilomètres ce jeudi soir, Froome s’est retrouvé très seul. Aux Valverde, Quintana et autres Contador de lui imposer de nouveau cette solitude.


Classement général après douze étapes


7 commentaires:

  1. un bon mot une fois17 juillet 2015 à 07:28

    Je n'aime pas ces affaires d'alliance et d'équipes, le vélo est sensé être un sport individuel, si vous vouliez jouer en équipe fallait faire du foot les mecs...

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    1. Ah mais là vous faites un peu fausse route. On n'a pas huit équipiers pour rien, déjà. Froome ne gagnerait pas sans une équipe aussi forte autour de lui.

      Après quoi, qu'y a-t-il de choquant à s'allier pour faire sauter les meilleurs si on s'avère incapables de le faire seul ?

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  2. Bonjour M.Richard,

    je suis le tour de france dans ma caravane (aka, je les précède tous les jours, les vois à l'arriver, et me gare le plus près possible de l'hôtel qui accueille la majorité des équipes le soir, afin d'avoir un max de ragot), je vous tiendrai au courant de ce que je vois

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    1. Vous suivez le tour de france? Je fais des paris sur ce tour 2015, toutes les rumeurs que vous avez m'intéressent, que voyez vous?
      vous allez vous déplacer avec eux jusqu'à la fin? Vous ne travaillez pas?

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    2. Chez les gitans, on travaille en se déplaçant, nous sommes mobiles.
      Oui, je suis passioné par le TDF, et je vois des choses qu'on ne voit pas à la tv.
      Hier, j'étais au pieds de l'hôtel dans laquelle logeait la sky et d'autres équipes, j'ai entendu du ramdam toute la nuit, ça a réveillé ma femme et mes enfants, j'ai du sortir le fusil pour qu'ils retournent se coucher. Tout ça pour dire que si porte et d'autre de la sky trainent aujourd'hui, c'est qu'ils ont peut-être pas assez dormi...

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    3. Apres de France la victoire de froome,
      Les Contador, Virenque, les Galopin,
      Lierre d'or, l'enclume serré dedans la basle,
      Ceux de Ptolon au fraud seront consens.
      Heureux de sa victoire, heureux de vie,
      Ignorant sang, mort fureur et rapine,
      Par nom flateurs seras mis en ennuie,
      Froome grossira, en abusant de la cuisine.

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    4. Les amis, vous êtes méchamment perchés là ;-)

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