Christopher Froome remporte son deuxième Tour de France après 2013 - Crédit : Eurosport |
[EDITO] La sentence est sans
ambiguïté. Pourtant, le jugement ne vient
pas des fans du Britannique mais des vaincus. Installés sur le rond-point du
Grand Palais, les Colombiens venus supporter Quintana sur les Champs-Elysées
félicitent le maillot jaune. Une leçon de fairplay à méditer.
Une ultime sueur froide. Mais Chris Froome n’a pas chuté sur les Champs. Pas plus qu’il
n’a flanché ces douze derniers jours, depuis ce 14 juillet où il avait assommé
le Tour en s’imposant en solitaire en
haut de La Pierre-Saint-Martin. « Il
le mérite. » Au terme de cette folle édition, les supporters de Quintana, glorieux dauphin du
Britannique, n’éprouvent eux pas le moindre doute au sujet de la performance du
Britannique même s’ils ajoutent assez rapidement : « Il a eu de la chance mais il le mérite. »
Froome a félicité son équipe Sky sur le podium sans qui il n'aurait pas gagné - Crédit : Eurosport |
Ainsi que le disait le manager de la FDJ Marc Madiot, on
remporte désormais le Tour « en
première semaine », comprendre avant que la route ne s’élève. Effectivement,
avant même d’arpenter les Pyrénées, Froome pouvait regarder de haut ses rivaux
qui allaient au final compléter le Top 5 avec lui :
- L’orgueilleux vainqueur du Giro, Alberto Contador, pointait à 1’03’’
- Le champion d’Espagne, Alejandro Valverde, à 01’50’’
- Le valeureux Colombien, Nairo Quintana, à 1’59’’
- Le vainqueur de l’an passé, Vincenzo Nibali, à 2’22’’
Car si la lutte sur les cimes françaises a laissé croire
dans un premier temps à la supériorité de Christopher Froome (1’10’’ glanées (avec
les bonifications) à La Pierre-Saint-Martin + 1’’ à Mende, soit 1’11’’), c’est
bien le Colombien qui a fait par la suite la démonstration de son titre
officieux de « meilleur grimpeur du monde ».
En montagne, Quintana est plus fort que Froome
Lors des 19e
et 20e
étapes, Quintana a repris 1’58’’ à son rival britannique. Au bout du compte, le
matelas de Chris Froome avant les Alpes (3’10’’ sur Quintana) n’était plus qu’une paillasse
inconfortable sur les Champs Elysées (1’12’’). De nombreux amoureux du vélo ont
regretté que le leader de la Movistar n’ait pas « attaqué plus tôt ». Je regretterai
personnellement qu'il n’ait pas planifié son pic de forme un soupçon
plus tôt ou bien qu’il n’ait pas davantage couru avant de venir sur le Tour
pour arriver avec de meilleures sensations.
On a senti les jambes du Colombien un peu rouillées,
notamment dans les Pyrénées. Et on peut se dire, sans prendre trop de risques, que
s’il y avait eu une étape de montagne supplémentaire dans les Alpes, Quintana
aurait peut-être gagné le Tour de France. Car Froome semblait lui au bout du
rouleau dans
l’alpe d’Huez.
A seulement 25 ans, Quintana repart avec le maillot blanc de meilleur jeune, comme en 2013 - Crédit : Eurosport |
Le choix du Kenyan blanc de prévoir son pic de forme pour
les Pyrénées aura ainsi été magistral. Après
dix premiers jours remarquables où son équipe l’a emmené dans un fauteuil
jusqu’au contre-la-montre par équipe – perdu face aux BMC pour seulement six
dixièmes –, Froome n’aura eu qu’à frapper ses adversaires une seule fois. Une
seule. Le 14 juillet. Une date peut-être à l’origine même de la suspicion qui a
hanté la deuxième moitié du Tour.
Jour de fête nationale, jour férié donc, c’est la France entière
qui a pu assister à l’impitoyable leçon donnée par Froome à tous les autres. Les
Français ont vu avec quelle violence le vainqueur du Tour 2013 avait choisi d’imposer
son hégémonie. J’avais employé moi-même employé le substantif "tyran" pour parler de Froome au terme de l’étape.
En direct sur France Télévisons, l’ancien coureur Laurent
Jalabert jette à demi-mots le doute sur la performance du Britannique. « Jalabert n’est qu’un écho, précise l’éditorialiste
Bruno
Roger-Petit. Celui d’une certaine France
en proie à un malaise identitaire, qui se refuse à admettre que l’épreuve reine
mondiale du cyclisme n’ait pas été remportée par un Français en trente ans. »
Le malaise Froome rappelle surtout que la France ne gagne plus
Les coureurs tricolores ne gagnent plus depuis Bernard Hinault en 1985.
Terrible ironie puisqu'il s'agit justement de l’année de naissance de Froome. Où est-il le
Français de 30 ans qui doit gagner le Tour ? L'impatience domine les autres émotions car voilà trop longtemps que le pays
hôte n'a plus vu l’un de ses enfants triompher aux
Champs-Elysées. Depuis le Blaireau, la France guette ce mois de juillet où elle
sourira pour un autre motif qu’une victoire d’étape, aussi prestigieuse
soit-elle. La pression exercée sur les jeunes flèches que sont Bardet (24 ans),
Pinot (25) ou Barguil (23) n’y est pas étrangère. Or, conclut
Bruno Roger-Petit, « tout se passe
comme si Froome et ses performances surhumaines rendaient désormais toute
victoire française impossible dans le Tour de France ».
C’est ce constat brutal, violent, exaspérant même qui ne passe
pas. La une de Pédale, le magazine
hors-série de So Foot dédié au vélo,
ne disait pas autre chose avant le départ à Utrecht : « Thibaut Pinot, et si cet homme gagnait le
Tour ? »
Car le sport-spectacle est régi par un processus à la fois
simple et terriblement puissant : l’identification. Lorsqu’il remporte une
victoire, le champion offre la chance à ses supporters de gagner avec lui. De
triompher des vicissitudes de l’existence. Un succès par procuration dont la France
est privée depuis trop longtemps, réduite à s’enorgueillir d’une place d’honneur
(Péraud deuxième et Pinot troisième l’an passé). Fort heureusement, Romain
Bardet et Thibaut
Pinot, porteurs de tant d’espoirs, ont sauvé le Tour des Français en
rejoignant Alexis
Vuillermoz au rang des vainqueurs tricolores de cette édition.
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